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Le volume 18 des registres du Consistoire de Genève, qui couvre l'année 1561, soit l'année précédant le début des guerres de religion, fournit des preuves palpables des conflits qui sévissaient alors en France. Certains pasteurs notables se sont absentés de la ville pendant de longues périodes, notamment Pierre Viret, qui était au service des réformés à Nîmes, et Théodore de Bèze, qui a participé au Colloque de Poissy – tentative infructueuse de concilier les différences entre catholiques et protestants. On trouve dans ce volume un jugement sévère à l’encontre de l’anabaptisme et de fortes réprimandes envers la sœur de Sébastien Castellion qui affirmait que son frère, champion de la tolérance religieuse, était un homme bon. Le Consistoire continue à se montrer sceptique à l’égard des personnes soupçonnées de sorcellerie, et il s’attaque à l’ignorance religieuse de manière plus sévère qu’auparavant. Luttant toujours contre la prodigalité et la paresse, le Consistoire insiste même auprès du Conseil pour qu'il mette les pauvres au travail en creusant des fossés. Un exemple mémorable est celui de l'annulation d'une promesse de mariage faite sans le consentement des parents du jeune homme, étudiant français à l'Académie, et de la jeune femme, fille du pasteur François Bourgoin. N’ayant pas réussi à maintenir l’ordre au sein de sa famille, Bourgoin a d’ailleurs été destitué de sa charge à Genève et envoyé au service d’une église en France. Pour la première fois, les autorités ont poursuivi des personnes coupables d'avoir enfreint l'interdiction faite aux mariées de porter leurs cheveux sur les épaules lors de leur mariage, une pratique jugée impudique.
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Le dix-septième volume des Registres du Consistoire de Genève couvre 1560, une année tumultueuse. Pour la première fois, il y a des bourgeois (i.e., citoyens naturalisés), y compris le marquis Galéas Caracciolo, parmi les membres laïques du tribunal des mœurs. Dans ces registres, le Consistoire dénonce vivement plusieurs hommes qui ont participé à la conjuration d’Amboise, prélude aux guerres de religion. En 1560, Genève connaît des difficultés économiques et le Consistoire fait preuve d’empathie envers les pauvres tout en prenant des mesures contre la paresse et la dissipation. Le Consistoire et le Conseil se montrent plus sévères à l’encontre de la danse et condamnent à des amendes ou à quelques jours de prison. Plusieurs femmes sont convoquées parce qu’elles continuent d’observer certaines pratiques catholiques, surtout les prières à la Vierge Marie. Dans ce tome se trouve l’affaire la plus mémorable se déroulant devant le Consistoire du vivant de Calvin. Elle concerne deux femmes soi-disant prophètes qui prétendent recevoir des visions célestes ; en outre, l’une d’elles déclare que, par décret divin, Jean Calvin est son mari.
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Publiés en un seul volume, les tomes XV et XVI des Registres du Consistoire de Genève couvrent l’année 1559 et le début de 1560. Une maladie grave empêche Calvin d’assister aux séances pendant plus de trois mois en hiver et au printemps, mais le Consistoire continue à imposer sa discipline même en l’absence du réformateur. En 1559, la création du Collège, destiné à l’éducation de la jeunesse genevoise, coïncide avec l’importance croissante que le Consistoire accorde à la pédagogie, comme en témoignent les nombreuses actions contre l’absentéisme au catéchisme, impliquant principalement des jeunes hommes. Si quelques Italiens sont attirés par les idées de Michel Servet contre le dogme de la Trinité, de nombreux Genevois embrassent la foi réformée avec enthousiasme comme le montre l’interdiction de réserver des places pour d’autres personnes dans les temples bondés de la ville. Parmi les actions qui concernent le contrôle du mariage, on peut signaler la validation du mariage d’un évêque français et de sa concubine et le divorce accordé au marquis Galéas Caracciolo, petit-neveu du pape Paul IV, en raison de désertion, parce que son épouse catholique refusait de quitter l’Italie et de le suivre à Genève.
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L’onzième volume des Registres du Consistoire de Genève, qui date de 1556, révèle la consolidation du pouvoir de Calvin et du Consistoire après la défaite des Enfants de Genève, ainsi que l’intensification de la discipline à Genève avec un nombre sans précédent d’actions contre la paresse et l’usure. En 1556, Calvin et le Consistoire déclarent en effet la guerre au blasphème, comme le démontre le grand nombre de personnes convoquées pour cela, alors que le Petit Conseil double la peine pour le crime de fornication, de trois à six jours de prison. Un signe indiscutable de l’augmentation du pouvoir du Consistoire est le fait qu’en juin il reçoit le droit de faire prêter serment aux témoins. Pour encourager la sobriété et décourager la débauche, Calvin réitère sa demande, sans beaucoup de succès, à fermer les tavernes à Genève. Inquiet au sujet de la connaissance des Genevois de la foi réformée, le Consistoire, pour la première fois depuis une décennie, demande à nouveau aux gens convoqués de réciter le Notre Père et le Crédo. Seulement dans ce volume et dans le suivant l’on trouve des actions contre une pratique « superstitieuse » particulière : se procurer de l’eau d’une fontaine située dans le Pays de Vaud dans le but d’effectuer des cures miraculeuses.
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Ce neuvième volume des Registres du Consistoire de Genève (1554) est visiblement plus long que les trois précédents ; ceci s’expliquant par l’intensification des conflits entre, d’un côté, Jean Calvin et le Consistoire, et de l’autre, les Enfants de Genève qui cherchent à limiter l’influence des pasteurs, tous d’origine française.
L’administration de la Sainte Cène reste l’un des points principaux de la contestation, le Consistoire revendiquant le droit exclusif d’accepter ou d’exclure les fidèles du sacrement, tandis que d'autres personnes pensent que l’excommunication relève du Petit Conseil ; cette confusion n’est pas résolue avant l’année suivante. En 1554, Calvin et les représentants genevois se retrouvent aussi en conflit avec Berne où certains pasteurs condamnent comme hérétique la doctrine de la prédestination. C’est aussi en territoire bernois que Jérôme Bolsec, expulsé de Genève pour ses critiques à l’encontre de cette doctrine, continue à attaquer la théologie de Calvin. Le Consistoire poursuit ses mesures contre la danse, les chants profanes, les jeux de hasard et les superstitions, et punit même des couples déjà mariés qui auraient eu des relations sexuelles avant leur mariage. On trouve dans ce volume de nombreux exemples de personnes qui, après s’être converties à la Réforme, retournent dans leur France ou leur Savoie natale et assistent à la messe. Au grand désarroi de Calvin, nombreux sont ceux qui passent sans difficultés du culte réformé au culte catholique, et vice-versa, selon leur lieu de vie.
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Le huitième volume des Registres du Consistoire de Genève est caractérisé par l’intensification des conflits entre Jean Calvin et le Consistoire, d’un côté, et les Enfants de Genève, de l’autre. Ces derniers se lamentent de l’important afflux de réfugiés qui proviennent surtout de France, ainsi que du pouvoir croissant des pasteurs et du Consistoire. Le pouvoir de privation de la Cène reste toujours une source de disputes amères. Quand, en septembre 1553, le Petit Conseil réadmet à la Cène Philibert Berthelier, antagoniste acharné de Calvin, le réformateur rétorque qu’il préfère mourir plutôt que d’approuver cette décision. Mais la question de la Cène ne sera résolue qu’en janvier 1555. Le Consistoire ne joue aucun rôle dans le tristement célèbre procès d’hérésie contre Michel Servet, dont l’exécution en octobre 1553 provoque en Europe un vif débat sur la tolérance religieuse. Pourtant, l’on remarque dans ce volume une augmentation des investigations contre ceux qui avaient osé critiquer la doctrine de la prédestination ou avaient exprimé des propos hétérodoxes. Les actions contre la mauvaise conduite sont de toute façon beaucoup plus nombreuses que celles contre les croyances inacceptables. Dans ce registre, on continue à trouver des actions contre les pratiques magiques et la consultation des guérisseurs, les chansons profanes, les danses et les blasphèmes. Les actions contre les querelles et la sexualité illicite sont toujours très nombreuses et dans le contrôle du mariage, les enquêtes sur les contrats controversés sont bien plus communes que les demandes de divorces. Dans ce genre de disputes, l’attention du Consistoire est principalement concentrée sur les tentatives de réconciliation entre parties adverses et sur le maintien de la paix sociale.
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Les minutes des séances du Consistoire pour cette année nous révèlent le début de plusieurs conflits importants qui culminèrent en 1555 avec la défaite d’Ami Perrin et des Enfants de Genève face à Calvin. À la suite de la querelle entre Calvin et Bolsec à propos de la prédestination et le libre arbitre, nous retrouvons plusieurs souteneurs de Bolsec devant le Consistoire. En 1551, le Consistoire doit aussi faire front à plusieurs Genevois mécontents du pouvoir grandissant des pasteurs et du nombre de réfugiés qui cro^t rapidement. Des citoyens influents, tels que Philibert Berthelier et Jean-Philibert Bonna, un membre du Consistoire lui-même, se rebellent et tentent de restreindre l’autorité du Consistoire et des pasteurs. Ayant déjà réussi à détourner les Genevois des pratiques catholiques, le Consistoire peut maintenant se concentrer sur d’autres affaires morales. Ainsi, dans ce registre, on trouve beaucoup de personnes convoquées pour avoir dansé, joué aux jeux de hasard ou chanté des chansons profanes. Le Consistoire semble se concentrer en particulier sur le problème des blasphémateurs à tel point que, vers la fin de 1551, le Petit Conseil publie une ordonnance contre les serments frivoles et les blasphèmes. En plus, les actions du Consistoire contre la sexualité illicite continuent à être courantes, ainsi que les questions matrimoniales et les tentatives de réconciliation entre des parties adverses.